Il y a des blessures qui semblent impossibles à oublier.
Des gestes qui nous ont trahis, des mots qui nous ont marqués, des silences qui ont fait plus mal que n’importe quelle parole.

Alors, quand on nous parle de pardon, une petite voix intérieure s’indigne :

« Pardonner ? Jamais de la vie ! »

Et c’est légitime. Pardonner ne se décrète pas, il ne se force pas.

Derrière cette réaction instinctive se cachent souvent

  • la colère et la douleur, qui agissent comme un mécanisme de protection,
  • la peur de paraître faible en confondant pardon et approbation de l’acte,
  • la peur de revivre la souffrance qui pousse à fuir ce qui fait mal,
  • ainsi que le besoin de justice, pour que la gravité de la blessure soit reconnue.

Dire « jamais » est donc normal et humain, mais ce refus n’empêche pas le pardon d’être possible plus tard, à son propre rythme.

C’est un chemin, souvent sinueux, parfois chaotique, mais toujours profondément libérateur.

Ce chemin commence le jour où, au lieu de fuir la blessure ou de la recouvrir d’un « ça va », on ose la regarder en face. On ose ressentir, accueillir, accepter. Et c’est seulement à partir de ce moment-là que le pardon peut exister, non pour l’autre, mais pour soi.

 

Pourquoi pardonner ?

Pardonner, ce n’est pas offrir un cadeau à celui qui nous a blessé. C’est s’offrir sa propre liberté, reprendre son pouvoir sur sa vie et ses émotions.

Tant que la blessure reste active :

  • La colère bouillonne, drainant notre énergie et nous empêchant de profiter du présent.
  • La rancune nous retient prisonnier de l’événement et des émotions qu’il suscite.
  • La tristesse nous enferme dans un cycle sans fin de souvenirs douloureux.

Pardonner, c’est choisir :

« Ce qui s’est passé m’a blessé, mais je refuse de laisser cela gouverner ma vie. »

Pourquoi ce choix est important

Le pardon n’est jamais obligatoire : il reste un acte volontaire que l’on pose pour soi, quand on s’en sent capable.

Choisir le pardon, c’est avant tout choisir de se libérer soi-même. Tant que l’on reste accroché à la colère ou à la rancune, on offre notre énergie à l’autre, consciemment ou non. Pardonner ne signifie pas que l’autre mérite notre pardon, ni que l’on oublie ou cautionne son acte. Cela signifie reprendre le contrôle de ses émotions et de sa vie.

Introspection

Pour avancer, il peut être utile de se poser quelques questions :

  • Quelle émotion domine lorsque je pense à cette blessure ?
  • Qu’est-ce que garder cette colère m’apporte ?
  • Est-ce que cela protège vraiment ma paix intérieure ou m’enchaîne-t-il davantage ?
  • Qu’est-ce que je gagne à me libérer de cette rancune ?
  • Qu’est-ce que j’aimerais ressentir à la place de cette colère ou de cette tristesse ?

Ces questions permettent de prendre conscience de l’impact réel de la blessure sur notre vie, et de préparer le terrain pour le processus de pardon

 

Pardonner à l’autre

Pardonner à l’autre, c’est rompre le lien de dépendance émotionnelle avec ce qui s’est passé, c’est lui redonner sa part :

« Je choisis de ne plus être prisonnière de ce que tu m’as fait. »

Cela ne signifie pas renouer, oublier, ou accepter le geste. C’est un choix pour soi, pour retrouver sa liberté intérieure et ne plus nourrir la colère ou la rancune.

Rédiger une lettre à la personne qui nous a fait du tort peut nous aider à nous détacher de la situation. L’objectif n’est pas de lui envoyer, mais de reconnaître notre blessure, d’exprimer nos émotions et de mettre des mots sur nos besoins non respectés. Cet exercice nous aide à libérer ce que nous portons intérieurement et à retrouver du recul.

 

Pardonner à soi-même

Le pardon le plus difficile est parfois celui qu’on refuse de s’accorder.

  • On se reproche nos erreurs, nos choix, nos limites.
  • On rumine ce qu’on aurait pu faire ou dire.

Se pardonner, c’est reconnaître sa condition humaine, ses limites et le fait que l’on a fait du mieux possible avec les ressources du moment.

 

Ce que pardonner n’est pas

Pardonner, ce n’est pas :

  • Excuser ou minimiser l’acte de l’autre.
  • Oublier.
  • Se réconcilier forcément.
  • Nier sa douleur.

Le pardon est un acte intérieur, un choix personnel de libération. Il n’efface pas le passé, mais allège le présent.

 

Qu’est-ce qui est difficile sur le chemin du pardon ?

Le chemin du pardon est parsemé de peurs et de résistances.

  • Accueillir la douleur : il est difficile de ressentir pleinement ce que l’on a subi. On préfère souvent l’ignorer ou se convaincre de « passer à autre chose ».
  • La peur du jugement : pardonner peut être perçu comme une faiblesse, ou comme « laisser l’autre s’en sortir ».
  • La peur de revivre la douleur : se confronter à ses émotions fait peur, car elles sont intenses et vulnérabilisantes.

Introspection

  • Quelles émotions est ce que je refuse de ressentir ?
  • Quelles peurs m’empêchent de lâcher cette rancune ?
  • Quel serait le premier petit pas que je pourrais faire pour alléger ce poids ?

 

Ce que ça change : pardonner vs ne pas pardonner

  • Ne pas pardonner : la blessure continue de vivre en nous. Elle prend de l’espace, du temps et de l’énergie. Elle conditionne, consciemment ou inconsciemment, nos comportements, notre état émotionnel ou le fonctionnement de notre corps.
  • Pardonner : la blessure s’apaise, on reprend son pouvoir, sa légèreté, sa liberté intérieure. On gagne en clarté et en sérénité. La libération procurée par le fait de pardonner améliore la santé physique et émotionnelle et les relations.

Le pardon est un geste de déliaison : on se détache de ce qui nous retient, pas pour l’autre, mais pour soi.

 

Exemples concrets pour se projeter

  1. Amitié trahie
    Une amie proche a divulgué un secret intime. Pendant des années, chaque souvenir ravive la douleur. Pardonner ne veut pas dire redevenir amie ou effacer l’histoire. Pardonner, c’est reprendre ton pouvoir émotionnel.
  2. Trahison au travail
    Ton collègue t’a fait un tort important. Le pardon ne signifie pas redevenir complice ou ami. Cela signifie simplement que tu choisis de ne plus laisser cet événement dicter tes journées.
  3. Erreur personnelle
    Tu te reproches de ne pas avoir su protéger quelqu’un ou toi-même dans le passé. Te pardonner, c’est reconnaître tes limites et comprendre que tu as fait du mieux possible avec les ressources du moment.

 

Comment faire pour entamer le processus du pardon? 

Le pardon n’est jamais immédiat. Il suit un chemin en étapes, parfois lent, souvent non linéaire. Il est unique pour chacun, et il n’existe pas de « bonne » ou de « mauvaise » façon de le traverser. L’essentiel est de faire face à la situation et à ses émotions, plutôt que de les fuir.

  1. Reconnaître la blessure

Nommer ce qui s’est passé, accepter que cela t’ait touchée, sans minimiser ni justifier. Reconnaître la blessure, c’est admettre la réalité de ce qui s’est passé et l’impact que cela a eu sur toi. Cette étape est fondamentale pour ne pas rester prisonnière du passé.

  1. Accueillir les émotions

Colère, tristesse, frustration… ces émotions doivent être ressenties et traversées pour se libérer. Refouler ou ignorer ce que l’on ressent peut prolonger la douleur et bloquer le processus de pardon. Laisser émerger ces sentiments, même difficilement, est un acte de courage intérieur.

  1. Comprendre sans excuser

Chercher à voir ce qui a pu amener l’autre à agir ainsi permet de donner du sens à ce qui s’est passé, sans pour autant excuser ni justifier l’acte. Comprendre la situation permet souvent de se détacher émotionnellement et de réduire le poids de la rancune.

  1. Choisir la paix

Décider de ne plus laisser le passé gouverner le présent est l’étape où l’on reprend son pouvoir sur sa vie. Cela ne veut pas dire oublier ou se réconcilier, mais simplement libérer son esprit et son cœur de ce qui nous retient.

 

Quelques points essentiels à garder en tête

  • Le processus est propre à chacun : certaines personnes ont besoin de temps, d’autres d’exercices d’écriture, de méditation ou de discussions guidées. Il n’y a pas de rythme imposé.
  • Il est possible de se faire aider : un thérapeute, un accompagnant en régulation émotionnelle, ou même un ami de confiance peuvent offrir un espace sécurisé pour explorer ses émotions.
  • L’important est de faire face à la situation : même de petits pas comptent. Reconnaître, exprimer, observer, comprendre… chaque mouvement vers le pardon est une victoire pour soi.
  • Le pardon ne se décrète pas : il peut revenir par vagues. Certaines étapes peuvent se répéter, certaines émotions peuvent ressurgir. L’essentiel est d’accepter le processus tel qu’il se présente.

 

 

Conclusion

Le pardon est un acte d’amour envers soi-même.
Il ne se force pas, il se mûrit.

Il commence par un petit geste intérieur :

« Et si j’essayais d’alléger un peu le poids que je porte ? »

Et ce jour-là, le « jamais de la vie » peut doucement se transformer en :

« J’essaye… pour moi. »

Chaque pas, même petit, est une victoire pour soi, vers la liberté intérieure et la paix retrouvée.

Et toi ? Quelle émotion liée à une blessure passée as-tu besoin d’accueillir et de laisser sortir pour avancer ?